TERRE DE SEIGLE
Fromage
Teddy David produit des fromages de chèvres à Jassy sur la commune de Saint Alyre-ès-Montagne.
Son amour des montagnes et de la nature l’a conduit dans les monts du Cézallier au cœur du Parc. C’est ici qu’il décidera de s’installer et de travailler.
Un choix en accord avec ses valeurs et sa philosophie de vie. Parti de rien mais confiant, il développera, aidé de son épouse, des activités pédagogiques à la ferme puis une production de fromages de chèvres. Tranquillement mais surement, sans voir trop grand.
Parce qu’il est comme ça Teddy. Pas de prise de tête et aller à l’essentiel. Son métier fait partie intégrante de sa vie qu’il a voulue simple et authentique.
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Portrait d’un producteur qui a pour souci de produire de bons fromages de qualité qui soient accessibles à tous.
Quel est votre parcours ?
J’ai passé un bac agricole, puis un BTS Gestion et Protection de la Nature. J’ai exercé en tant qu’animateur nature puis j’ai passé un brevet d’Etat d’accompagnateur en montagne. J’ai travaillé à Parrot-nature, un domaine nordique du Cézallier Cantalien. Puis nous avons souhaité avec mon épouse qui est éducatrice de formation, créer une ferme pédagogique. Nous travaillons avec les classes maternelles et primaires. On organise une visite de la chèvrerie et de la fromagerie puis les enfants découvrent les autres animaux présents sur la ferme. On propose également un jeu de piste dans le village et des ateliers comme des moulures d’empreintes.
Nous avons ensuite décidé de nous lancer dans une production agricole. J’ai toujours eu dans l’idée de m’installer. J’étais dans l’élan, j’ai sauté le pas en 2010. Nous avons choisi des chèvres parce que ce sont des animaux qui nécessitent peu de foncier.
Depuis quelques années, je travaille également en tant qu’animateur nature pour le Parc des Volcans d’Auvergne. Je présente le Cézallier et les tourbières si spécifique de notre territoire.
Vous êtes originaire de Nantes, pourquoi avoir choisi le Cézallier pour vous installer ?
J’ai découvert le Cézallier quand j’ai effectué mon stage de BTS à Parrot-Nature. Ça m’a beaucoup plu. Avec mes parents, on partait en vacances à la montagne et j’aimais ces grands espaces où il y peu de d’habitants. Avec mon épouse, nous avons trouvé cette maison qui était une ancienne ferme. La commune a mis à notre disposition des parcelles pour que nous puissions installer notre acticité agricole. Nous disposons de 35 hectares pour 60 chèvres. Nous avons également des vaches Salers.
Quelles races de chèvres élevez-vous ?
Des chèvres du Massif central et des alpines, Nous avons un bouc pyrénéens, des chèvres poitevines et des brebis rava. On aime la variété.
Quelle alimentation donnez-vous à vos chèvres ?
En période estivale, les chèvres sont nourries à l’herbe de nos prairies. Nous n’avons que des prairies naturelles. Puis l’hiver, je leur donne du foin que j’achète localement ainsi que des compléments en céréales et granulés. Je me fournis dans la vallée à la minoterie Soupel près d’Issoire.
Quelle est la période estivale dans le Cézallier ?
Nous sortons les chèvres mi-avril début mai, quand l’herbe repousse jusqu’à mi-septembre. Les chèvres passent toujours la nuit à l’étable. Pendant l’hiver, on les sort dès que le temps le permet et on les promène pour qu’elle se redynamise.
Pouvez-vous nous présenter vos fromages?
Nous fabriquons des briques, des buches, des crottins, des gaperons, des bouchons apéro, puis de la tomme fabriquée en petit format pour la vendre à la pièce.
Quelles sont leurs temps d’affinage ?
Les frais ont trois jours d’affinage, les demi-secs 10 à 15 jours et jusqu’à un mois pour les secs. La tomme est affinée en cave quasiment 2 mois.
Aujourd’hui, le changement climatique est une préoccupation pour bon nombre d’éleveurs. Quels sont les impacts de ces variations climatiques sur votre exploitation ? Au niveau des prairies, de la production laitière, du bien-être de vos animaux ?
Le temps au niveau des saisons est très aléatoire. On peut avoir un mois de février très ensoleillé et avoir de la neige au mois de mai. Je trouve que nous avons un printemps plus long et pluvieux. L’été dernier, il a fait mauvais et on a eu moins de lait. Les chèvres craignent l’humidité. En revanche, un été sec ça passe pour les chèvres alors que pour des vaches c’est plus compliqué. Malgré tout, nous avons suffisamment de prairies pour faire tourner les troupeaux et le prix du foin qu’on achète ne varie pas beaucoup.
Comment s’est passé votre installation ?
A l’époque il y avait peu de production de fromage de chèvres surtout dans la zone St Nectaire. Notre production était un peu atypique. Les banques ne nous suivaient pas.
Je me souviens quand j’ai monté le dossier pour mon installation agricole. J’étais hors cadre familial, hors secteur, cela donnait l’image du néo rural qui veut élever trois chèvres !
On nous a demandé de compter le nombre de personnes qui passent sur le sentier de randonnée afin d’estimer le potentiel de vente de fromage. C’est n’importe quoi. Soit on croit à son projet soit on n’y croit pas. Et puis, il fallait absolument acheter un tracteur parce qu’une exploitation agricole sans tracteur ça n’existe pas. On a bataillé pour expliquer qu’on n’en aurait pas l’utilité. Nous avions une vision de l’agriculture différente et nous ne souhaitions pas nous endetter lourdement.
Puis nous avons bénéficié du dispositif national des aides à l'installation qui comprend la dotation jeune agriculteur. Nous avons pu ainsi mettre en place l’installation de la fromagerie. Une fois qu’elle a été amortie, nous avons fait construire le bâtiment pour la chèvrerie. Nous avons souhaité investir par étape pour ne pas avoir à supporter un endettement important. On n’est parti de rien et le résultat est là aujourd’hui.
Vous avez eu des périodes de doute ?
C’était plutôt les instances agricoles qui nous faisaient douter. Nous on savait qu’on investissait très raisonnablement à la hauteur de ce qu’on pensait pouvoir produire et donc avec une prise de risque très faible. On savait qu’on pourrait rembourser même si on échouait.
C’est une vision prudente, pleine de bon sens.
C’est le rôle d’un chef d’exploitation. On a une entreprise à mener et ce n’est pas aux banques ni aux conseillers agricoles de nous dire à quel moment on peut ou doit investir. Il ne faut pas toujours écouter les instances agricoles qui ont pour seule logique la rentabilité. Ils dissocient trop la rentabilité et l’exploitation qui fait partie de la vie. Ils sont là pour nous faire acheter du matériel et faire tourner l’économie. C’est un système mais le problème c’est que ce système repose sur les épaules de celui qui investit.
Votre choix de vie est courageux mais finalement vous étiez au clair avec ce que vouliez ?
Je ne sais pas si c’est courageux. On l’a voulu et on s’est donné le courage de le faire. Mais oui, c’est un choix de vie et c’est un sacré avantage de savoir ce qu’on veut faire dès le départ. Parfois les gens me disent que j’ai de la chance mais La chance appartient à celui qui s’en donne les moyens. Le plus important c’est de pouvoir choisir et d’être bien.
Quel sens donnez –vous à votre métier ?
C’est un métier qui fait partie de notre vie, c’est indissociable. Je dirais que prétentieusement on nourrit un petit bout la population ce qui est gratifiant. Et puis, voir les clients revenir pour acheter notre fromage, ça fait plaisir, c’est que ce n’est pas mauvais !
Notre métier a des contraintes mais comme c’est nous qui nous les imposons, on se sent libre. On peut organiser notre temps de travail ce qui n’est pas donné dans tous les métiers. Pour élever les enfants, c’est vraiment bien, on n’a pas la problématique de devoir les faire garder ce qui est un sacré avantage. On y gagne en qualité de vie. C’est la contrepartie des astreintes que nous avons à la ferme et le fait d’être un peu isolé. On peut difficilement se déplacer à plus de 80 km à la ronde mais au final, est-ce qu’on a besoin d’aller plus loin ?
Quel est votre regard sur l’écologie ?
J’ai souvent lutté pour l’environnement, maintenant je baisse un peu les bras. L’écologie on en parle depuis très longtemps et cela n’a jamais vraiment bougé. J’ai bien peur que cela soit un peu trop tard sur le réchauffement climatique parce qu’on n’est pas le seul pays décideur. En revanche on peut agir sur la pollution des sols en réduisant les pesticides et les engrais. Il est possible de retrouver des terres saines sur un laps de temps assez court.
Il faut aussi je pense, revoir les formations en lycée agricole en intégrant un volet écologique qui soit en lien avec la gestion globale de l’exploitation.
Je veux encore y croire. C’est pour ça que je fais des animations nature sur les tourbières.
Comment imaginez-vous votre métier dans les prochaines années ?
Dans la continuité de ce qu’on fait déjà.
Si vous aviez un souhait pour l’avenir de l’agriculture quel serait-il ?
Que l’agriculture redevienne familiale, à taille humaine. Tout le monde pourrait s’en sortir plus facilement. Le foncier est aujourd’hui inaccessible et les fermes sont trop grandes et trop chères pour quelqu’un qui souhaite s’installer.
Quels conseils pourriez-vous donner à un futur éleveur ?
Il faut y croire et s’écouter. Après on peut se tromper et il faut l’accepter. Il faut savoir rebondir et s’adapter. Si on veut vraiment réaliser un projet, il faut se donner tous les moyens pour y arriver en ayant des objectifs atteignables. C’est parfois semer d’embuche mais au final on y arrive.
Un mot de la fin ?
Faites-vous confiance !
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Où trouver ses fromages ?
Amap : Veyre-Monton et Romagnat.
Magasin de producteurs :
Ardes-sur-Couze. La Paysannerie à Issoire.
Marché : Saint-Germain -Lembron le jeudi soir.